A l’occasion du comité social d’administration ministériel (CSAM), notre experte Tugba est intervenue en séance, le 11 décembre dernier, pour exposer la situation très difficile des agents de droit local en Turquie et rappeler l’urgence et la nécessité d’une revalorisation salariale décente.
- La Turquie traverse une crise économique profonde
Depuis 2018, la Turquie traverse une crise économique profonde et l’inflation y est extrêmement élevée et durable. Ainsi, sur la période 2023-2025, l’inflation cumulée a atteint 155 %, alors que, dans le même temps, les salaires n’ont augmenté que de 15 %.
Une politique d’intervention économique autoritaire
Cette situation est amplifiée par une politique d’intervention économique autoritaire : absence d’indépendance de la Banque centrale, chiffres officiels de l’inflation biaisés et interventions fréquentes du gouvernement sur le marché des devises pour maintenir artificiellement la valeur de la monnaie locale avec l’euro.
- Des prix qui ont explosé et affectent le pouvoir d’achat des personnels locaux
L’hyper-inflation, accumulée depuis de nombreuses années, a fait exploser les montants des dépenses essentielles et incompressibles, ce qui a profondément affecté le pouvoir d’achat des collègues recrutés locaux.
Le logement est le symbole le plus visible de cette crise
En effet, les loyers ont augmenté de 168 % en euros entre 2022 et 2025. Par exemple, une agente de l’ambassade de France à Ankara réglait en 2021 un loyer de 260 euros et aujourd’hui, le loyer du montant a plus que triplé et s’élève à 918 euros (soit +350 % en 4 ans). Dans le même temps, son salaire n’a progressé que de 15 %.
Le prix des denrées alimentaires a atteint des sommets
Ainsi, par exemple, le prix de la viande rouge a quadruplé en euros en quatre ans.
Une hausse vive des frais d’écolage
Les frais de scolarité dans les établissements français ont augmenté de 63%, passant ainsi de 6 000 € en 2023 à 9 800 € aujourd’hui.
Les écoles françaises perdent massivement des élèves depuis que le gouvernement interdit l’inscription des ressortissants turcs. Pour survivre, ces établissements doivent attirer de nouveaux élèves et stabiliser leur budget. Accorder une exonération partielle aux ADL offrirait immédiatement quelques inscriptions supplémentaires et un apport financier régulier, un soutien précieux dans un contexte de fragilité extrême.
Perte critique du pouvoir d’achat des recrutés locaux
Les prix augmentent sans cesse, tandis que les salaires des ADL, versés en euros, ne suivent pas. Les ADL ont ainsi perdu environ 23 % de leur pouvoir d’achat selon les chiffres officiels et même très au-delà sur la base des données indépendantes. [il convient de noter que les chiffres publiés par TÜİK, l’institut de statistiques turc, sont largement contrôlés et ne reflètent pas pleinement la réalité du coût de la vie].
- Il est urgent de revaloriser les rémunérations des ADL du poste
Les ADL sont pris dans une spirale où l’inflation augmente sans relâche, alors que leurs salaires restent quasiment figés depuis plusieurs années. D’où la nécessité urgente d’une revalorisation réellement équitable car depuis de nombreuses années, nous obtenons des revalorisations qui ne reflètent pas la réalité économique du pays.
Le panel de référence est-il caduque ?
Depuis le passage à l’euro, l’Ambassade s’appuyait exclusivement sur le panel de 6 ambassades de référence (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas) pour déterminer les revalorisations salariales bien que les représentants du personnel aient toujours demandé davantage, considérant que ce panel était largement perfectible et pas toujours fiable.
Cette année, l’administration du poste nous a informés de nos droits à revalorisation, calculés à partir du panel, tout en indiquant clairement qu’elle ne nous les accordera pas. Cela suscite interrogation et incompréhension de la part des personnels locaux sachant que le décrochage des salaires est aujourd’hui très important allant jusqu’à 26 % pour le niveau 6 du cadre salarial.
Une revalorisation bienvenue mais partielle et qui exclut le niveau 7 du cadre
A l’exception des agents dont les fonctions sont classées au niveau 7 du cadre salarial (niveau totalement exclu des deux revalorisations successives), les personnels ont bien reçu une revalorisation supplémentaire en 2025, mais celle-ci reste toujours très insuffisante et déconnectée de la demande du poste puisque la revalorisation obtenue ne représente que la moitié de celle qui a été transmise au Département. Par exemple, le niveau 6, qui affichait le décrochage le plus élevé (36 %), n’a bénéficié que de 10 % d’augmentation.
Un sentiment d’inquiétude et d’injustice
L’exclusion du niveau 7 des mesures de revalorisation a été ressentie comme une profonde injustice et panel de référence, par ailleurs, parait incomplet pour ce niveau. Les agents s’inquiètent : cette exclusion et le non-respect du panel de référence vont-ils devenir la norme ?
L’étude prévue en janvier pour actualiser le panel de référence va accentuer encore le décrochage.
Sans mesure corrective immédiate, la situation sera encore plus critique en 2026. Les chiffres du panel de référence ne reflètent pas la réalité.
l’administration nous a accordé une revalorisation supplémentaire. Celle-ci est, à notre plus grand regret, toujours insuffisante selon le panel de référence, et nous la percevons comme injuste (plus de % pour certains niveaux) et discriminante (et rien pour d’autres).
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Pour la CFDT-MAE, il devient urgent de procéder à une revalorisation immédiate des salaires, à la hauteur de la réalité économique du pays, avec effet rétroactif au 1er janvier 2025, afin de compenser le fort décrochage constaté entre les salaires versés à l’ambassade de France et ceux des autres ambassades présentes à Ankara.
Ne rien faire maintenant, c’est laisser s’aggraver une situation déjà critique et comparable à celle observée dans d’autres postes comme celui de l’Égypte.