La CFDT-MAE a été saisie le 18 mars 2025 par ses représentants du personnel en Chine qui se sont fait le relais de l’annonce brutale et non concertée de la fermeture décidée par le Département des services des visas des consulats à Wuhan, Shenyang et Chengdu. Le transfert de leurs activités vers les consulats de Shanghai, Canton et Pékin entraînera la suppression de 6 postes d’agents titulaires, 1 poste d’agent contractuel et de 15 postes d’agents de droit local français et chinois.
- Une annonce brutale et non accompagnée qui court-circuite les instances de dialogue social tant ministérielles que locales
Ce plan de restructuration n’a été accompagnée d’aucune précision relative au calendrier, aux indemnités de licenciement et aux perspectives de reclassement des personnels concernés au sein du réseau consulaire ou auprès de partenaires extérieurs.
La CFDT-MAE déplore la brutalité de cette annonce non concertée faite par les consuls généraux sur instruction du Département et selon une méthode autocratique qui court-circuite les instances de dialogue social tant ministérielles que locales et qui dénote une absence manifeste de bienveillance pour le sort des agents ADL qui seront licenciés et leurs familles ainsi que des agents titulaires.
Quid du rapport Hermelin ?
Le rapport Hermelin sur lequel l’administration s’appuie pour justifier ces fermetures ne fait pas référence à la Chine puisque la mission Hermelin a eu lieu pendant la pandémie de la COVID où les frontières de la Chine étaient fermées. Le fonctionnement particulier de ce pays n’a donc pas été constaté et la configuration recommandée dans ce rapport est inadapté aux spécificités de la Chine.
Une méconnaissance totale des enjeux consulaires en Chine
En effet, chaque circonscription en Chine couvre des provinces comprenant au minimum 200 à 300 millions d’habitants. A titre d’exemple, les consulats généraux de France de Wuhan et Chengdu ont une activité égale à ceux de Bangkok et de Jakarta. De plus, les distances entre chaque circonscription sont à l’échelle d’un pays comme l’Espagne.
- Un coût financier exorbitant et disproportionné
La décision de procéder au regroupement des centres de visa suscite bien des interrogations sur le coût financier de l’opération, particulièrement dans le contexte budgétaire actuel de l’État. Il convient de souligner que le consulat de Wuhan vient de procéder à un déménagement avec la signature d’un nouveau bail à long terme comportant des engagements financiers conséquents. Quant à Chengdu, le bail du consulat à vient d’être renouvelé pour 5 ans. Le maintien des services visas à Wuhan, Chengdu et Shenyang n’aurait occasionné aucun coût supplémentaire pour le MEAE tandis que le transfert de ces services engendrera des pertes et des dépenses considérables :
- Fin de l’amortissement des investissements réalisés dans les services actuels ;
- Frais importants de remise en état des locaux actuels ;
- Pénalités relatives à la résiliation anticipée des baux récemment conclus ;
- Dépenses afférentes au déménagement des services vers les nouveaux locaux et coût des travaux, d’aménagement et de mise aux normes des nouveaux locaux.
- Perte d’influence des consulats à Wuhan, Chengdu et Shenyang
La suppression du service des visas des consulats à Wuhan, Chengdu et Shenyang entraînera, comme cela a été constaté au Maroc en 2021, une perte d’influence et d’attractivité de ces postes auprès des autorités locales et des personnalités influentes. Au-delà, l’avenir et le maintien de ces postes pourraient être engagés.
L’expérience de la Covid-19 en Chine n’aura servi à rien
L’expérience de la crise de la COVID-19 a démontré toute l’importance d’avoir des relais locaux efficaces en Chine. Il est important de noter que l’ensemble des agents des services visas ont été mis à contribution pour délivrer des visas en urgence aux familles des Français durant les phases de rapatriements sanitaires en faisant preuve de beaucoup de courage et d’un grand sens du devoir pour aller travailler alors que l’ensemble de la population était confinée.
- Transfert des postes de travail d’ADL
En ce qui concerne le transfert des postes de travail des recrutés locaux vers les consulats de Shanghai, Canton et Pékin, plusieurs obstacles administratifs et financiers se dressent devant les personnels locaux concernés :
Le « Hukou », document obligatoire pour les ADL chinois, constitue un frein important à la mobilité
En effet, le « Hukou » est un document juridique chinois regroupant les informations personnelles de chaque citoyen et son statut (agricole ou non-agricole). Il permet l’enregistrement, la gestion et le contrôle de la population chinoise. Et même si l’interdiction stricte de vivre et de travailler dans un autre lieu que celui de la localisation géographique indiquée sur le « Hukou » a progressivement été assouplie, ce document reste souvent une entrave à la mobilité des travailleurs. Ainsi, il faut obtenir le Hukou de la ville de résidence pour avoir par exemple un accès aux services publics (éducation et santé) et aux prestations sociales (chômage, retraite).
L’obtention d’un Hukou pour Shanghai ou Pékin est très difficile
Pour éviter une surpopulation et de fortes tensions sur les infrastructures, les critères d’obtention d’un Hukou pour Shanghai ou Pékin restent très sélectifs (ces deux villes ayant établi un plafond de population). Il sera donc très difficile pour les agents de droit local chinois d’obtenir le Hukou de leur nouvelle ville de résidence. Ils ne pourront donc pas scolariser leurs enfants dans une école publique (qui représente la vaste majorité du système scolaire chinois). Quant aux écoles privées, elles sont rares et extrêmement chères.
- Une perte significative du niveau de vie
Ce transfert des postes de travail engendrera une perte significative du niveau de vie des agents locaux quelle que soit la ville de destination. Ainsi, par exemple, un recruté local travaillant actuellement au poste consulaire à Wuhan subira une augmentation du coût de la vie de :
Les agents de droit local sont pour la plupart propriétaires
De surcroît, les agents de droit local sont pour la plupart propriétaires avec des crédits immobiliers à rembourser.
Le prix des biens immobiliers étant 4 fois plus cher à Shanghai et Pékin et 3 fois plus chers à Canton par rapport à ceux de Wuhan, et le marché immobilier étant en crise à Wuhan, les collègues ADL ne pourront pas vendre leur bien pour en acheter un autre au même prix dans leurs nouvelles villes de résidence.
Les frais de déménagement et d’emménagement sont également significatifs
Ainsi, par exemple, le coût d’une relocalisation d’un agent local résidant actuellement à Wuhan peut se calculer de la manière suivante :
Pékin | Shanghai | Canton | |
Coût (1) | Entre 1 800 et 3 000 € | Entre 1 450 et 2 400 € | Entre 1 700 et 2 660 € |
Coût (2) | 4 800 € | 7 250 € | 3 870 € |
- Transfert des postes de titulaires et du contractuel de droit public
On nous rapporte que certains agents titulaires se sont vus acceptés par la DRH une 4ème année en Chine dans l’un des nouveaux postes de destination sans prise en compte de l’impact qu’entraînerait un déménagement interne à la Chine de l’agent et sa famille pour une seule année (scolarité des enfants, appartement, vie sociale).
La CFDT-MAE réclame donc la mise en place des mesures d’accompagnement suivantes pour l’ensemble des agents des consulats de Wuhan, Chengdu et Shenyang qui subiront la fermeture de leurs services visas :
- Pour les agents titulaires et l’agent contractuel n’ayant pas effectué leurs temps de séjour de 4 ans en Chine, la possibilité d’une nouvelle affectation de 3 ans à Shanghai, Canton et Pékin, au lieu d’une seule année proposée actuellement par la DRH ;
- Le versement d’une indemnité de changement de résidence et d’une prime d’installation pour l’ensemble du personnel qui sera transféré à Shanghai, Canton et Pékin ou affecté sur un autre poste à l’étranger ;
- L’octroi d’une prime spécifique pour la prise en charge des frais de scolarité et d’hébergement pour les ADL ;
- L’attribution d’indemnités de rupture de contrat pour les agents ADL licenciés ;
- Un accompagnement personnel pour aider à la réinsertion professionnelle des ADL licenciés. Une priorité doit être accordée aux agents locaux pour une embauche en Chine ;
- Les agents titulaires doivent être considérés et traités comme prioritaires pour une affectation à l’étranger ;
- Le maintien de l’ancienneté et la conservation des CDI des recrutés locaux ainsi que la prolongation des contrats CDD ou la transformation ce ceux-ci en CDI dans un autre service visas ;
- Une hausse substantielle des salaires des collègues dont le PDT est transféré afin de compenser le coût plus élevé de la vie dans les 3 consulats de destinations.